Plusieurs mois après que Karl, le chanteur principal du groupe que l’on n’a plus besoin de présenter, eut quitté notre monde, les Cowboys Fringants ont sorti par surprise l’album très attendu par les fans, intitulé Pub Royal, où on peut entendre les dernières chansons du groupe avec la voix du chanteur étoile enregistrée, durant les dernières semaines et les derniers jours avant son départ.
Annoncé le 24 avril dernier au soir et sorti à minuit le soir même, cet album de 13 chansons est une véritable pépite musicale. Étant donné que plusieurs chansons mériteraient selon moi un article entier, je vais me contenter de parler des aspects de l’album en général. Cependant, je ne pourrai pas m’empêcher de mettre des citations d’extraits par-ci, par-là.
13 chansons; 42 minutes 44 secondes. Trois de ces chansons sont instrumentales, les dix autres sont chantées. Les musiques instrumentales sont l’intro, l’épilogue et, entre les deux, un interlude bien placé.
Des espoirs de cause - 1:03 - Instrumental
Bienvenue chez nous - 4:16 - Chanson (Karl, MA)
Loulou vs Loulou - 5:14 - Chanson (MA/Karl)
Y’est 3 heures on ferme! - 3:40 - Chanson (Karl, MA)
La fin du show - 7:16 - Chanson (Karl, MA/JF)
On fait quoi maintenant? - 1:20 - Instrumental
Questions sans réponses - 2:34 - Chanson (Karl)
Vie et mort de Gina Pinard - 4:23 - Chanson (Karl)
Loulou (partie II) - 1:04 - Chanson (Karl)
(re)Bienvenue chez vous - 2:24 - Chanson (Karl)
Les cheveux blancs - 3:44 - Chanson (MA)
Merci ben! - 4:01 - Chanson (JF/MA)
Les bonnes continuations - 1:39 - Instrumental
Bienvenue!
Plusieurs chansons ont des liens entre elles : par exemple, Bienvenue chez nous et (re)Bienvenue chez vous se ressemblent beaucoup, pas seulement par rapport au titre, mais aussi en ce qui concerne les paroles et le rythme. Leurs refrains sont même quasi-identiques, avec seulement quelques mots de différence.
« Bienvenue! Welcome home! Bienvenue chez nous!
V’nez nous faire la fête dans ce pub où le temps s’arrête
On est ouverts 24/7 à l’année même les jours fériés
Mais comment ferez-vous pour rentrer chez vous? »
- Bienvenue chez nous
« Bienvenue! Welcome home! Bienvenue chez vous!
Viens qu’on t’fasse la fête en jouant méchamment dans ta tête
La sentence est à perpète 24/7 pour l’éternité
Mais comment faire pour ne pas virer fou? »
- (re)Bienvenue chez vous
La dualité de Loulou
Loulou vs Loulou. On peut croire que c’est une dispute entre deux personnes portant le même nom. Mais en écoutant les paroles attentivement, on se rend compte que c’est en fait l’affrontement de deux « petites voix intérieures » de la même personne, nommée Loulou (peut-être que c’est Loulou Lapierre, la p’tite mère ben ordinaire dont il est question dans Joyeux calvaire?). On pourrait imaginer ça comme le fameux duel entre le démon et l’ange de la même personne que l’on voit souvent dans les films. La première voix qu’on entend, que je vais nommer « Loulou 1 », est « l’ange » et « Loulou 2 » est « le démon ». Loulou 1 est déprimée et veut trouver du positif, s’accrocher à la vie, même si c’est très difficile. Loulou 2 prend un vilain plaisir à sous-entendre de plus en plus explicitement que Loulou « n’est pas faite pour la vie » et à la convaincre qu’elle est condamnée à souffrir jusqu’à la fin de sa vie.
« Ben là, c’est quoi? Tu m’condamnes à l’avance?
Toi la p’tite voix qui m’fait me sentir comme d’la marde
J’ai beau être toute cassée pis remplie de carences
J’ai pas encore dit que j’baissais ma garde
- Loulou 1
« Allez, faut sortir du déni
Certains gens ne sont pas faits pour la vie
Ils traînent leur âme comme une maladie
Certains gens ne sont pas faits pour la vie
Pour eux, leur marche n’est que mélancolie
Non tout l’monde n’est pas armé pour la vie »
- Loulou 2
Puis dans Loulou (partie II), on n’entend que Loulou 2, qui chante son refrain deux fois. Aurait-il gagné? On entend sa voix peu à peu s’estomper. Cela pourrait vouloir dire qu’il est en train de partir, ne devenant qu’un p’tit maudit bruit d’fond et laissant sa place à Loulou 1. Mais peut-être aussi que Loulou 2 a mis un terme à l’existence de Loulou 1 et que c’est à son tour de partir. On peut donc imaginer qu’un happy ending et qu’un bad ending sont tous deux aussi probables.
Le deuil de Karl
La fin du show est la chanson d’adieu de Karl. 7 minutes 16 de Karl qui fait un bilan de sa vie, avant de se jeter dans l’univers. 20 minutes de pleurs avant de reprendre l’écoute de l’album, c’est ce que ça m’a donné à ma première écoute. Et pourtant, je pleure très rarement et la plupart du temps quand ça arrive c’est minime, une ou deux gouttes en général. Mais la puissance de l’écriture de Jean-François et la voix de Karl chantant son départ de notre monde m’ont touché drette dans le cœur. Ça a été très dur de choisir l’extrait de cette chanson, car il y a tellement de moments forts dans celle-ci. Je vais y dédier un article complet.
« Qu’elle soit extra ou ordinaire
Chaque vie finit d’la même manière
C’est la seule justice sur la Terre
Tous égaux dans le cimetière »
- La fin du show
L’interlude instrumental bien placé après cette chanson haute en émotions s’appelle « On fait quoi maintenant? », faisant directement référence au décès de Karl qui nous a fait ses adieux. Que va-t-il se passer après? Que vont devenir Les Cowboys Fringants? Vont-ils continuer à trois? Recruter un « remplaçant » de Karl? Faire un autre groupe? Tout arrêter? Cet interlude léger d’une minute et vingt secondes nous fait réfléchir à tout ça. Cette musique a comme titre cette question qui hante les Cowboys depuis le décès du légendaire Karl Tremblay.
« Tellement de questions qui nous hantent
Autant de réponses en attente
Dis n’importe quoi, je t’en prie
Je veux seulement dormir la nuit »
- Questions sans réponses
Retour à une chanson plus upbeat et humoristique avec « Questions sans réponses ». Le titre complète la succession des trois chansons dont les titres font référence au départ éternel de Karl. Car, pour l’instant, après la fin du show, « On fait quoi maintenant? » est une question sans réponse. D’ailleurs, la première ligne et question de cette chanson est « Est-ce qu’on peut apprendre à bien mourir? »
Et sans oublier…
… les autres chansons! Celles-ci n’ont pas autant de liens avec d’autres, mais sont tout aussi importantes! « Vie et mort de Gina Pinard » raconte exactement ce que son titre indique : la vie et la mort de Gina Pinard. J’aurais bien aimé vous expliquer s’il s’agit d’un personnage réel ou fictif, mais le peu de sites internet nommant cette personne ne donnent aucune précision sur son histoire et sur l’authenticité de la chanson. Quoi qu’il en soit, l’histoire racontée est touchante et, encore une fois, Jean-François nous prouve qu’il a un talent hors normes en écriture de paroles, une capacité à jouer avec les mots qui est remarquable.
Le décès de Karl démontre, comme beaucoup d’autres événements, que la vie est souvent injuste. Surtout pour ceux qui partent avant d’avoir Les cheveux blancs. C’est ce qui est raconté dans cette chanson écrite et chantée par Marie-Annick. Elle n’y mentionne pas son mari que la vie lui a pris, mais c’est sûr qu’on pense à lui lorsqu’on l’entend chanter les paroles suivantes :
« Vous allez voir, mes puces
Que la vie est souvent injuste, souvent injuste
Surtout pour ceux qui partent avant
D’avoir les cheveux blancs »
- Les cheveux blancs
Cette chanson est un coup de cœur, et ce, pour plusieurs raisons. Premièrement, c’est la chanson qui, même après plusieurs écoutes, me donne toujours des frissons. Elle est profondément touchante et démontre que MA a également un grand talent d’écriture. C’est la seule chanson de l’album qui n’est pas écrite par le fameux JF. Elle s’adresse à ses « puces » (ses deux filles, qu’elle a eues avec Karl), leur apprenant une leçon de vie en chanson.
« Finie la quête d’la jeunesse
Celle qui ne comble pas le vide
Cherche plutôt la sagesse
Dans l’ombre de tes rides
Car une fois qu’le futur
Ne te donne plus d’espérance
Tu apprends à la dure
Que vieillir est une chance »
- Les cheveux blancs
Une autre chanson coup de cœur est « Y’est 3 heures on ferme! » Après avoir parlé du décès de Karl et des injustices de la vie, on est maintenant sur une ambiance beaucoup plus positive, festive. Elle fera selon moi une excellente chanson de party. Le beat et la sonorité des paroles lors du refrain peuvent donner une envie de taper des mains en chantant à tue-tête dans un groupe d’amis. Je la recommande si vous aimez les chansons qui sont faites pour plus danser et fêter que pour penser et déprimer.
Merci ben! Non non, c’est pas encore la fin de mon article là, c’est juste le titre de la dernière chanson dont je vais parler (ou plutôt écrire) dans ce dernier. Le couple du groupe y chante ses remerciements… à plus ou moins tout. Plein de reconnaissance, Karl et Marie-Annick nomment une multitude de choses et personnes auxquelles ils disent merci. Que ce soit des choses positives, négatives ou un mélange des deux. Les situations dans un lieu mal entrepris mais où l’ambiance était à la fête, par exemple. Puis à la fin, on parle plus de l’essentiel.
« Pour cette bizarre épopée
Assise sur des amitiés
Qui résist’ront à la vie
Et j’espère à la mort aussi
[...]
Et les rires de soirs de fête
Qui résonnent encore dans nos têtes
Pour les millions d’êtres humains
Dont on a croisé le chemin
Pour vos lighters dans le ciel
Et vos grands sourires immortels
Merci ben!
Merci ben!
Merci ben! »
Merci ben!
Cette fois-ci, c’est bien la conclusion de cet article. J’espère que cela vous aura donné envie d’écouter l’album au moins une fois si ce n’était pas déjà fait. Puis si c’était déjà fait, j’espère que vous avez apprécié lire mon article et peut-être même qu’il vous a fait comprendre ou apprendre des choses sur cet album, qui selon moi mériterait le titre d’album de l’année du Québec. Merci ben!
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